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mardi 5 mai 2015

ATLAS : La montagne-reine



Dans les plaines au pied des versants sud de l'Atlas, avec les premières chaleurs de la mi-printemps, l'herbe a déja pris la couleur du dernier lion du Maroc disparu voilà 7 décennies. Pour trouver eau, fraîcheur, pâturages, il faut prendre le chemin de la montagne. Des pistes ou des petites routes récemment goudronnées traversent la grande chaîne montagneuse dans un axe nord/sud. Les plus hautes sont fermées jusqu'en Avril pour cause de neige. Entre le Djebel Ayachi à l'Est et le Djebel Toubkal à l'Ouest, nous les avons empruntées avec bonheur en ce début Mai, bivouaquant le plus souvent en rase-campagne, ou plus exactement en rase-montagne, heureux d'avoir pensé à équiper notre géniale TK-Ravane d'une chouette-couette en plume d'oie...
















"Malgré l'aridité continentale, l'Atlas marocain bénéficie d'importantes précipitations nivales pendant la saison humide. Cet enneigement est assez irrégulièrement réparti, dans le temps comme dans l'espace, mais se répercute principalement sur le versant Nord. Le manteau nival ainsi constitué obéit à des influences thermo-climatiques dont les actions solaires et éoliennes sont les plus marquantes. Des névés garnissent les creux de la montagne jusqu'en été, mais les neiges permanentes sont rarissimes. La durée effective de l'enneigement a une portée considérable sur la vie des populations : troupeaux, cultures, circulation, ravitaillement" (Michael Peyron - Les chutes de neige dans l' Atlas marocain)




















"La puissante barrière montagneuse d'une majesté toute alpestre qui se déroule sur des centaines de kilomètres au sud de Marrakech, est entaillée de hautes vallées. Trois seulement mènent à des cols élevés et d'accès difficiles. Toutes les autres ne font qu'entamer un flanc de la montagne. Elles sont dominées à l'amont par de hautes terres où s'insinue rarement quelque sentier muletier, qui à près de trois mille mètres, permet, dans les beaux jours, d'atteindre l'autre versant. Ces étroits couloirs où serpente un torrent grossi de rares et courts affluents, n'ont donc avec leurs voisins de la montagne que des relations espacées. La plaine où débouche leur rivière est leur seule ouverture sur le monde extérieur. Presque toutes ces vallées ont leur visage particulier. Celle de l'Ourika, la plus ouverte, toute baignée d'eaux courantes et assez riche en verdure, fait parfois penser aux Alpes. Celle du Nfis, après des lieues d'un couloir sinueux aux hautes parois de schistes verdâtres, offre la surprise du fertile bassin du Tinmel où des escarpements de grès rouges dominent les champs d'orge et les oliveraies. Celle de l'oued Iseksawen, le pays des Seksawa, étage une série de gradins que séparent des gorges : sa beauté n'est jamais exempte d'âpreté" (Henri Terrasse - Au coeur du monde berbère - 1956)




"Dans ce cadre souvent grandiose, mais toujours sévère, la vie s'ordonne en altitude... Sur les croupes qui dominent la basse vallée, on trouve parfois une steppe d'alfa, tandis que les oliviers ou les amandiers occupent les fonds et les basses pentes. Dans les hautes-vallées, ces deux arbres sont remplacés par le noyer. En même temps, les versants se couvrent d'une forêt de chênes-verts très dégradée à sa base, mieux conservée en altitude, où elle se mêle de genévriers térébinthes. Au-delà de la forêt, aux environs de 2500 mètres, règnent les alpages, à la végétation rabougrie, mais qui n'en constituent pas moins de précieux pâturages d'été" (Henri Terrasse - Au coeur du monde berbère - 1956)
























Le dernier Lion de l'Atlas aurait été vraisemblablement tué du côté de Taddert près du Tizi N'Tichka en 1942. Voilà le récit d'une chasse plus ancienne, qui eut lieu au XIXe siècle, quand le Lion était encore abondant au Maroc : "La fusillade crépita. Les chasseurs étaient ou bien émotionnés ou bien maladroits, car le lion se contentait de secouer les oreilles, tandis que les balles soulevaient la terre autour de lui. Le cercle se rétrécissait de plus en plus, le lion fit d'un coup trois énormes bonds et deux hommes tombèrent. Il se coucha de nouveau, fit encore trois bonds, et trois hommes furent renversés. Puis il força le cercle des fantassins, arriva aux cavaliers qui prirent la fuite à son approche et s'élança dans la plaine. Mais il était blessé et ne tarda pas être achevé par des cavaliers plus hardis qui le poursuivirent. A peu près en même temps, la lionne forçait le cercle des fantassins dans notre direction. Je voulais suivre les cavaliers qui se mirent à sa poursuite, mais Sidi Lantseri saisit les rênes de mon cheval et me retînt auprès de lui. Un des cavaliers fut renversé ainsi que son cheval par la lionne qui atteignit les maquis voisins et disparût. Les deux lionceaux âgés de quatre mois avaient été tués" (Léon Roches - Dix ans à travers l'Islam - 1834-1844)




D'autres espèces ont disparu du Maroc avec le Lion de l'Atlas au siècle dernier dont la panthère, le guépard et  l'oryx. D'autres sont menacées comme la hyène rayée, la gazelle dama ou le chat sauvage... Ah! si tous les chasseurs du monde pouvaient troquer leurs armes pour des Nikon ou autres Canon numériques pacifiques... "La photo, c'est la chasse. C'est l'instinct de chasse sans l'envie de tuer. C'est la chasse des anges... On traque, on vise, on tire et clac! Au lieu d'un mort, on fait un éternel" (Chris Marker)





















"Les villages accrochent à quelque replat ou à une pente moins rude leurs cubes sombres couronnés d'épaisses terrasses de pierre et de terre. Les murs sont faits de pisé dans la basse vallée, de pierre sèche liaisonnée d'argile dès que l'enneigement est à craindre. Les lourdes bâtisses s'allègent parfois du côté du soleil d'un balcon reposant sur des piliers de bois. Sur les murs, aucun décor, ni de pierres disposées en motifs géométriques ni d'enduits peints à la chaux. Seuls ces rudes portiques et de rustiques menuiseries ornent quelque peu les façades de pisé et de pierre sèche. Malgré cette simplicité de moyens, par leur unité de ligne, par leur parfaite adaptation au paysage et par la justesse de proportions de leurs maisons, les villages arrivent presque toujours à une rude beauté" (Henri Terrasse - Au coeur du monde berbère - 1956)












"Les bergers, comme les marins et les commis-voyageurs, connaissent toujours une ville où existe quelqu'un capable de leur faire oublier le plaisir de courir le monde en toute liberté" (Paulo Coelho - L'Alchimiste)




















"Dans un pays où la terre cultivable est si rare, les limites des propriétés sont fixées avec un soin tout paysan. Mais l'eau, richesse plus précieuse encore que la terre, n'est pas liée au sol. Si dans les cantons du bas de la vallée l'irrigation se fait par quartiers ou soles, suivant un ordre topographique -le seul qui soit rationnel- dans la montagne chaque ikhs a son tour d'eau. La propriété étant très enchevêtrée, les champs d'un même quartier sont irrigués à des jours différents, sans souci des pertes d'eau qui en résultent. Il y a un vif contraste entre la science de l'organisation et les techniques d'irrigation. Toute la culture en terrain irrigué comporte un véritable gaspillage de l'effort. Aucune notion de rendement : sous la forme de la tradition, c'est l'affirmation et la défense des groupes sociaux qui maintient sa primauté" (Henri Terrasse - Au coeur du monde berbère - 1956)




















































A quelques kilomètres au nord-est d'Imilchil, le lac d'Isli, le lac du fiancé. A quelques encablures plus à l'ouest, et un peu plus petit, le lac de Tislit, le lac de la fiancée...








"La montagne offre à l'homme tout ce que la société moderne oublie de lui donner"








































Demain, nous ferons une pause à Agoudal, village perché sur son plateau à 2300 mètres d'altitude au coeur du Haut-Atlas, la montagne-reine.


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